Séjour à Sitia (crète orientale)

 
 
  Nous récupèrons du voyage en trainant de plage en piscine. L'habituelle réunion d'accueil ne nous apporte rien et nous filons, fissa, vers le marché de Sitia. Ici on cultive le régime crètois authentique: beaucoup de légumes frais ou secs, du fromage et des fruits, peu de poisson, pas de viande. Location d'une voiture, tentative de visite du fort vénitien, la Kasarma, fermé pour cause de sieste de même que l'église Sainte Catherine fermée elle aussi. L'après-midi Sitia est aussi animée qu'une ville de Grande-Bretagne un dimanche d'hiver; Heureusement ça va s'améliorer en début de  soirée.      
 Premier parcours et prise en mains de la petite Fiat Seicento. Nous quittons Sitia vers l'ouest pour longer les côtes de la mer de Crète. Perdus dès les premières pistes non balisées, on cherche désespéremment Moni Faneromensis. Un peu de persévérance et nous parvenons au monastère où les icones nous fascinent. Ces petits monastères sont des oasis de paix et de quiètude. Premières caillasses pour rejoindre un site minoen, Hamezi, surplombant la mer: une maison perdue dans la campagne au bout d'un chemin bordé d'oliviers.     Retour sur la route côtière à l'asphalte "fonds européens" limités comme en témoignent l'absence de panneaux et de signalisation au sol! On tombe presque par hasard sur Gournia , site Minoen, qui aurait abrité près d'un millier d'habitants. Equivalent, de nos jours à une métropole régionale. Superbe site avec rues, places et échoppes: on devine la maison d'un potier, l'emplacement du palais, la grande place et sa dalle sacrificielle. Un magnifique soleil joue sur les montagnes et la mer. Savaient choisir leur emplacement les Minoens!
  Nous quittons le glissant asphalte européen pour des chemins plus rocailleux où moutons et chèvres sont lâchés pour amuser le touriste. C'est un superbe spectacle d'oliviers, de citronniers et de grenadiers, de profondes gorges aux paroies percées de nombreuses grottes. Ierapetra est notre étape, au bout du port la forteresse vénitienne, les pieds dans l'eau, dresse depuis des siècles ses remparts. Puis c'est le retour  à l'hôtel par la montagne et ses pistes difficiles, on comprend les protège-carters des 4x4  japonais qui nous doublent. Arrêt dans un petit village, Orino, en pleine montagne, nous sommes seuls à l'auberge et notre ouzo sera accompagné d'un mezzé de beignets de légumes, d'olives, fromage, tomates fraiches et huile d'olive.  
Cette fois nous partons de bonne heure vers l'Est et le cap Sideros, premier arrêt sur le site de la petite bourgade minoënne de Trypitos. Les vestiges, bien conservés, nous poussent à imaginer les habitants déambulants, il y a 5000 ans, dans les rues de l'antique cité. L'éruption volcanique du Santorin (-2500 av J-C) aurait détruit la plupart des cités de la côte nord, désorganisant l'état Minoën le livrant, ainsi, à la convoitise de ses voisins. Nous reprenons la route vers Toplou, haut lieu de l'histoire crètoise contemporaine; C'est un monastère forteresse qui joua un rôle important dans la libération de la région du joug ottoman. Plus pacifiques de nos jours les religieux ont été tout au long du XIXeme siècle des moines soldats. Plus loin, en longeant la mer, nous atteignons Vai et sa palmeraie. La plus grande d'Europe, il faut dire qu'ici nous sommes plus bas, en latitude, qu'Alger. Ce piège à touristes, ceinturé de kilomètres de fil de fer, forme une nasse aboutissant sans coup férir sur le parking payant.  

 
 Point de balade sous les palmiers: l'accès à la palmeraie est impossible. Direction le cap Sideros et ses trois criques accessibles. Nous grignotons le panier repas de l'hôtel sans grande appétence. La visite de la ville grecque d'Itanos, ou plutôt de ses ruines, est plus attrayante avec les restes de sa basilique du XIIeme, détruite par les turcs, dont les colonnes de marbres ont du être récupérées sur des édifices plus anciens. L'histoire nous donne le tournis et on commence à saturer: des minoëns aux doriens, puis aux hellènes en passant par les vénitiens et leurs forts, les turcs et leur occupation, la Crète est du nord au sud et d'est en ouest un gigantesque musée. L'après-midi on fait route vers Kato Zakros, jolie crique de pêcheurs, où on prend le temps d'une collation: belles assiettes de poulpe grillé, fromage de chèvre frais, pain grillé, purée de tomates aux herbes. Il est temps de rentrer la nuit ne va pas tarder et conduire de nuit dans la montagne crètoise relève soit de l'inconscience soit du suicide!    
 




 
 Le réveil sonne à 6h30, le but de notre périple le mérite: Knossos le palais minoën le plus célèbre. En route on admire le littoral au soleil levant. Sur cette voie rapide la fiat ne se sent plus de joie et frôle les 110km/h. Comme souvent pour les sites très en vue la désillusion nous attend à l'arrivée. C'est Minos-land! Les pop-corns sont déjà là et on annonce Thésée, Ariane, Dédale et le Minotaure gambadants en tenue disney-world dans les ruines en béton (merci Evans) pour les toutes prochaines années. Déçus on ne s'attarde pas et nous laissons les passagers des cars de l'Europe entière s'extasier: "C'est beau, on croirait qu'c'est neuf! " Bien vu Madame: les originaux sont au musée d'Héraklion. On reprend vite fait la route irrités de s'être fait piéger. Au sommet d'un mont une petite église toute blanche sur un ciel immensément bleu permet une halte apaisante. L'arrivée au col de Pinakiano est impressionnante: Les moulins éoliens plantés sur la crête semblent de gigantesques sentinelles, lances en avant, gardiennes du plateau. Le Lassithi est une cuvette enchassée de hautes montagnes qui résista longtemps à l'envahisseur turc et ne fut conquise que par la trahison de l'un des siens qui se suicida par la suite.La descente sur le Lassithi est un vrai bonheur, des centaines d'éoliennes animent le ciel de leurs voiles triangulaires et puisent l'eau du sous-sol pour alimenter une multitude de parcelles de vergers et de potagers. Au village de Tzermiado, Christine nous sert un repas gargantuesque: purée de gesse, ail confit, agneau aux herbes, chèvre rotie, yaourt artisanal avec du miel et des noix, et plein d'autres choses encore dont nous avons oublié et le nom et la composition. Aujourd'hui nous avons trainé et je ne pourrai échapper à ce que je voulais éviter: La route de nuit est bien ce que j'imaginais: pas de signalisation au sol, pas de panneaux, les virages s'enchainent les uns après les autres. Bien soulagé d'arriver à l'hôtel!
 





Dernier jour avec cette petite Fiat qui nous a étonné par ses capacités insoupçonnables et son appétit d'oiseau. Nous continuons donc de sillonner les dernières pistes de Crète avant que les fonds structurels européens ne les aient envoyées dans les coulisses de l'histoire. Ce matin il fait un vent épouvantable qui nous vient de la mer libyenne et par conséquent qui pour être violent n'en est pas moins chaud. Nous allons trainer nos guêtres là où le temps nous a manqué les jours précédents: Direction plein sud, droit à travers la montagne, vers la mer libyenne. Comme d'hab aussitôt quitté l'asphalte, aussitôt perdus. Nous arrivons du coté de Mitato dans un endroit absolument désert, un brin de route nous interpelle et quelques kilomètres plus loin nous arrivons dans une base militaire désaffectée. Plus paumé ça n'existe pas, le vent est si violent que l'on peine à ouvrir les portières. Le panorama est superbe mais n'est admirable qu'enfermé dans l'habitacle du véhicule.
"je te dis que l'autre jour on est dejà passé par là! "
" mais non rappelles toi faut prendre à gauche du gros bulldozer jaune! c'est quand même pas compliqué: on le voit à des kilomètres"  
 




 
 Après un épisode tendu, un peu d'asphalte, beaucoup de rocailles et quelques maigres portions de bitume nous voici (ça, ça ne s'invente pas!) à Voila. C'est un ancien village vénitien dont les habitants ont eu le tort de se convertir à l'islam. On imagine assez bien le sort qui leur fut réservé lors du départ de l'occupant. Le village, lieu maudit, est en ruines et désert. Très jolies ruines mais atmosphère pesante. Nous partons vers Xerocambos quand même plus joyeux. La descente vers cette bourgade est hallucinante: C'est la plus grande concentration de virages en épingles que j'ai jamais vu. Sur la mer libyenne, où le vent souffle toujours aussi fort, des kite-surfers occupent la belle plage qui, en ce jour de grand vent, est infréquentable. Lors de notre descente nous avons repéré une crique abritée qui nous accueillera pour déjeuner. Le panier repas est identique aux trois jours précédents, c'est vraiment roboratif mais on a faim puis on se paie le luxe de faire trempette. Reprise de la voiture pour un arrêt dans des gorges pleines de grottes où le "nours" s'aventure à la recherche de cousins qu'il ne trouve point et, à défaut, effraie une grande chouette du même nom sans doute car toute blanche.
Les chardons acérés et la végétation coriace se liguent pour abréger la balade. Nous rejoignons Ziros avec notre tite Fiat pour une pose tite soif. Nous rentrons. Jusqu'à Zakros pas de problème c'est tout bitume. Après on peut rester sur le bitume mais c'est plus long... par contre si on tourne à gauche on gagne, au moins, vingt kilomètres mais... c'est piste et pas de panneaux. Au diable les panneaux, on tourne à gauche. La suite nous prouvera que nous ne manquerons pas de panneaux. En pleine montagne un fagot de poteaux indicateurs nous accueille: l'un indique le ciel, Karidi 4000m, altitude hors de notre portée; L'autre le ravin qui devrait nous mener à Xerolimi 1500m en-dessous mais plus surement droit à la morgue. Nous choisissons la voie médiane: celle de rester sur la piste. Choix judicieux, s'il en est, puisque quelques centaines de mètres plus loin, à l'écart de tout carrefour, un panneau nous indique que notre salut est au bout du chemin. C'est bon on rend les clefs, faisons un tour sur le port et trainons dans l'hôtel en attendant le diner. Le retour se fait avec un brin de nostalgie: les grandes forêts de pins, de chênes verts et d'eucalyptus de l'intérieur ont disparues dans les grands incendies des années 90, les pistes sont pour la plupart bitumées grâce aux fonds structurels européens et les mulets des montagnes ont laissé la place aux 4x4 japonais.... 



Créer un site
Créer un site