TRANS-HIMALAYENNE en Royal Enfield
Manali, Leh, Sumur par le khardungla (5.540m )
Le bout du monde habitable 
 
 
                            
          
copyright: http://www.himalayanbikers.com/  avec l'aimable autorisation de Sonia et Gaëtan
 
 
 60 heures de voyage! parti vendredi à 8h00 me voici ce dimanche soir, 20h00, dans les contreforts de l'Himalaya à Manali. C'est une grosse bourgade au plan dépaysant épousant les reliefs. Une ville toute d'escaliers et de ruelles étroites.
Dire que la conduite en Inde est surprenante est un doux euphémisme: Les quatorze heures de trajet de Delhi à Manali ne sont pas dures que pour les jambes. Les chauffeurs acrobates dans des véhicules de toutes tailles se doublent et se croisent dans un effarant concert d'avertisseurs. C'est une anarchie acceptée par tous mais traumatisante pour la rationnalité européenne.
C'est le début de la mousson, le jardin du lodge est superbement fleuri.
                                                           

Bon, ben voilà les machines! Dignes héritières de leurs ancêtres de l'armée anglaise sur lesquelles on a greffé un disque à l'avant et un démarreur électrique. 500cc, 23ch, 200 k de ferraille et de fonte. 
Construite comme un fusil, rapide comme une balle, c'est la devise de Royal Enfield. Moi, je vous le dis tout net, je ne partirai pas sur le sentier de la guerre avec! 
La prise en mains n'est pas déroutante: je retrouve le sélecteur à gauche avec ses cinq vitesses et le frein à pied à droite. Surprise aux premiers tours de roues: Ce n'est pas une enclume mais un lingot de plomb!
La circulation est totalement déroutante. C'est une gigantesque anarchie organisée à l'indienne. Si le code de la route se réduit à une seule règle "tout peut arriver à tout moment y compris et surtout l'inattendu" la règle est partagée par tous. Le bordel est un chaos qui a ses usages: La circulation pourrait se faire à gauche mais on utilise toute la chaussée disponible pour éviter pierres, animaux, humains, trous et obstacles en tous genres. 
Est prioritaire tout simplement celui qui passe! 
                                                            
Mauvaise nouvelle: Le Rothang la est fermé. Deux solutions: Attendre la réouverture au pied du col avec la centaine de camions et se jeter dans la mêlée ou forcer le passage de bonne heure avant la présence des forces de police et se taper une coulée de boue sur une quinzaine de kilomètres. Nous choisissons la seconde solution et partirons à 5 heure du matin. Au lever à 4h30 il tombe des cordes, la mousson s'épanouit. Combine de pluie étanche on ne mouille pas mais baignons dans notre transpiration! L'eau ne nous accompagne que quelques kilomètres pendant lesquels nous remontons la file de camions à l'arrêt. On passe le check point vite fait les pandores ne sont pas encore là et attaquons la montée du col. Le jour s'est levé et les premiers kilomètres sont un régal pour les yeux puis voilà le calvaire: Dans la boue jusqu'aux moyeux on traine, on tire, on pousse les machines sur quelques kilomètres. En apnée (due au stress) en hypoglycémie (on a pas mangé) asphyxié (par l'altitude) je chute et relève plusieurs fois la machine pour arriver exténué au sommet à près de 4000m.
Il fait froid, on mange et filons sur Keylong pour une bonne douche et un vrai repas.
                                                         
Journée de repos pour s'acclimater à l'altitude. Belle balade dans les contreforts Himalayens, visite de deux temples et pic-nic au bord d'une rivière dans un bois de cèdres. L'équipe est disparâtre: des jeunes férus de sports mécaniques qui sont venus là pour un rallye raid se souciants peu des paysages et de la culture du pays. Un parisien et un couple de l'est semblent plus proches de mes attentes. Comme d'hab je suis l'ancêtre et je décide avec mon compagnon de chambrée de faire à notre rythme et de laisser les adeptes de la poignée dans le coin se défouler sur les graviers des pistes himalayennes.
Demain on quitte Keylong pour les hauts plateaux où nous ne dormirons, à plus de 4500m, qu'en camp de toile. 

Là ça devient franchement sévère. Le groupe est composé de gens très aguerris adeptes du trial, du cross et de l'enduro. Heureusement mon compagnon de chambre n'est pas d'un meilleur niveau que moi et nous faisons route ensemble passant tant bien que mal les difficultés que les autres survolent à plein régime. S'étant mis d'accord on reste en fond de peloton, avançant à notre rythme et obligeant les artistes des bosses, trous, contre-pentes, sables, graviers, gués et autres vasières à nous attendre.
Le régime nous met cependant tous les deux sur les rotules et parvenons le soir exténués à l'étape. 
                                                           

Mauvaise journée, le passage du Nakee La (4740m) et du Lachuglung La (5060m) m'a collé une forte migraine, mais aujourd'hui c'est la cata. Le mal des montagnes m'affecte. C'est comme une sévère grippe: maux de tête, nausées, frissons, abattement. Je ne conduirai la moto que le matin dans un état dépressif, l'après -midi je céderai le guidon à Rajah notre mécano et prendrai place dans le 4X4, Le déshonneur! mais que beaucoup vont connaitre. Le mal des montagnes n'épargnera, à des degrés divers, presque personne.
Le soir je me roule en boule sous des tonnes de couvertures et dors tout habillé.
                                                          
 Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Passé l'acclimation je suis en pleine forme. Nous sommes tout près de la frontière chinoise et apercevons les sommets enneigés du Tibet. Les lacs d'altitude sont d'une limpidité exceptionnelle et les massifs s'y reflètent sans qu'aucune ride ne vienne en troubler la netteté. Le souffle n'est pas coupé que par l'altitude mais aussi par la beauté des paysages qui nous entourent. Arrêt pour discuter avec des nomades qui nous invitent à prendre le thé dans leur tente et nous font goûter fromage et yaourt.
Fiers de leur trésor ils nous dévoilent des bijoux vieux de plusieurs siècles.
Des pièces de musée  transmises de génération en génération.

                                                                                                       
La vallée de l'Indus est un superbe serpent végétal dans un univers de roches. Les paysages ne sont pas descriptlbles. Les mots sont insuffisants. Il faut oublier tout ce que l'on a lu. La réalité est plus belle encore. La pluie menace et nous accélérons l'allure pour rejoindre Leh. Elle nous rattrapera à quelques  kilomètres de notre arrivée. La guest house est confortable et possède un beau jardin fleuri où poussent les mêmes espèces que chez nous. Nous dinons dans un excellent restaurant tibètain où la succession de plats est formidable et les momos (raviolis des jours de fête) vapeurs ou frits sont délicieux.
Rituel bimensuel, c'est dry day: nous n'aurons ni viande ni alcool.
                                                                             
   Journée de repos à Leh dominée par le "chateau" et par les monastères juchés sur les crêtes avoisinantes. On en a besoin. Journée farniente et shopping. Ganesh dieu de la bienveillance et de la prospérité, Lakshmi déesse de la féminité s'offriront à moi sous forme de statuettes  anciennes et en bronze! Leh est une ville coupée du monde l'hiver, il y fait jusqu'à moins 20° et toutes les routes d'accès sont fermées. La  belle saison ne dure que du 15-06  au  15-09, en dehors de cette période les gens restent cloîtrés chez eux. Pendant ces quelques semaines les habitants engrangent le maximum de réserves pour le bétail et pour les hommes.
Le court été ne sert qu'à préparer l'hiver.
                                            
En passant la barrière himalayenne nous sommes entrés dans le Ladakh range, le massif du Ladakh, et avons changé de planète. Les couleurs sont éclatantes et d'une luminosité surprenante, le ciel d'une limpidité exceptionnelle: Nous sommes au bout du monde habitable, au pays des dieux.
Les monastères, juchés sur des pitons rocheux, d'un blanc éclatant dominent des oasis de verdure, champs d'orge, de graminées et de vergers dans un contraste extrême avec l'univers strictement minéral qui les entoure.
Le macadam se fissure en de larges plaques vites remplies du sable porté  par le vent. 
                                          
 La route de Lamayuru est une voie stratégique que l'armée indienne s'emploie à rendre praticable à tout moment à grands coups de bulldozer. Cette région, coincée entre la Chine et le Pakistan fait l'objet de convoitises, d'autant plus que le tracé des frontières est contesté. Les indiens y assurent une lourde présence dans des camps militaires que d'incessants convois de camions approvisionnent. Nous sommes bloqués plusieurs fois par des éboulements que les engins de terrassement évacuent dans les pentes dans une pagaille indescriptible chacun voulant forcer le passage.
Dès qu'une voie s'ouvre c'est la mêlée dans un capharnaüm de véhicules, de cris et de klaxons
                                
6h00 du matin ce vendredi. Le soleil éclaire les hauts sommets enneigés qui encadrent le très vert et paisible village de Hunder. Il fait frais mais doux, la lumière glisse lentement vers la vallée qui s'éveille au bruit des animaux et de ses habitants. On distingue, juchés dans des endroits improbables, les mâts de prières et leurs guirlandes de drapeaux. Hier nous avons vaincu le Khardung La, ce col routier le plus élevé au monde. Son ascension n'est pas si dure que celà nous avons connu plus difficile. Notre périple s'achève: aujourd'hui nos retournons sur Leh en suivant la vallée de la Nubra, vallée interdite d'accès jusqu'en 1995 en raison du conflit Indo-Pakistanais. Nous prenons l'avion pour Delhi demain. Je jette un oeil sur les antiques machines qui nous ont transporté pendant ces deux semaines.
Incroyable! l'enclume vole à plus de 5500m.
Plus de photos: https://picasaweb.google.com/ladale44/LADAKH2011#m.
     



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